: Grand entretien Tour de France femmes 2022 : Marion Rousse, directrice de la course, veut "montrer que le cyclisme féminin est vaste et qu'il y a du niveau"
Avant le Tour de France femmes, qui s'élance dimanche, la directrice de course Marion Rousse est revenue sur la construction du parcours, ses attentes, ses espoirs.
La Grande Boucle va avoir ses héroïnes. Du dimanche 24 juillet au dimanche 31 juillet, alors que le Tour de France masculin se termine, va se dérouler le premier Tour de France femmes. Un renouveau après la disparition de l'épreuve, courue sous d'autres noms par le passé, jusqu'en 2009. Marion Rousse a été choisie par Amaury sport organisation (ASO), l'organisateur, pour être la directrice de course de cette grande première.
Avant le départ au pied de la tour Eiffel, dimanche, l'ancienne coureuse professionnelle et aujourd'hui consultante France Télévisions a livré un grand entretien à franceinfo: sport sur ce grand défi, et les huit étapes de sa Grande Boucle.
Franceinfo: sport : Même si vous avez de l'expérience dans ce métier, ce rôle de directrice du Tour de France femmes vous fait changer de dimension. Comment le vivez-vous ?
Marion Rousse : C'est vrai que ça a été un nouveau rôle pour moi. Dans l'organisation de courses, je ne suis pas novice : je suis déjà directrice adjointe du Tour de la Provence. Organiser une course de A à Z, je sais comment ça se passe et il n'y a rien de simple (rires). Je pense que peu de personnes connaissent vraiment les contraintes d'organiser une course de vélo à l'heure actuelle. Aujourd'hui, j'ai plusieurs casquettes : je connais le monde des médias grâce à mon métier de consultante et j'ai été sportive de haut niveau, donc l'appréhension du métier ne me faisait pas peur.
Mais ce qu'il représentait, évidemment, c'était quelque chose d'énorme. Pour moi, c'était une grande fierté. Toute ma vie, ça a été du vélo. Quand on me propose ce poste à responsabilités, il faut avoir les épaules solides. Mais il faut y aller et en être super fière. C'est un bonheur d'avoir ce rôle.
La fierté doit aussi résider dans le fait que c'est une nouvelle édition appelée à perdurer...
Oui. Après, il y a déjà eu des éditions dans les années 1980 qui se sont arrêtés et dont on parlait beaucoup moins. Là, on va en parler plus sur cette première édition du Tour de France femmes avec Zwift qui sera retransmise dans plus de 190 pays dans le monde avec 2h30 de direct par jour. C'est du jamais-vu !
"Il y a l'aura du Tour de France. Chez les hommes ou chez les femmes, c'est la plus belle course. Désormais on peut se dire que l'on enchaîne avec une quatrième semaine de Tour."
Marion Rousse, directrice du Tour de France femmesà franceinfo: sport
Les gens vont pouvoir découvrir des coureuses qu'ils ne connaissent pas forcément. L'idée de ce Tour de France femmes est-elle aussi de faire de ces championnes des figures, tout en développant la discipline ?
Bien sûr, on veut faire découvrir le plus de monde possible. C'est pour ça que l'on a tracé ce parcours de cette manière. Chaque étape ou presque correspond à un profil de coureuse différente : il y a des étapes de plaine pour les sprinteuses et les baroudeuses, et d'autres pour les grimpeuses, évidemment. On a envie de faire découvrir au grand public ces championnes qui le méritent. Le Tour de France femmes, s'il a lieu, ce n'est pas un cadeau qu'on fait aux cyclistes féminines. Ce n'est pas parce que c'est dans l'air du temps de voir du sport féminin à la télé qu'il faut le faire. C'est une vraie cohérence sportive.
Je m'éclate autant à commenter les hommes que les femmes. Le cyclisme féminin a évolué, il a aussi plus de budget, donc le niveau s'est resserré. Plus de filles sont capables de gagner des courses et le spectacle est génial. Il était temps, on est là et ASO le considère vraiment comme un Tour de France. En fait, on ne bosse pas différemment que sur le Tour de France des hommes.
ASO, qui organisait déjà le Tour de France et d'autres grandes courses, a dû être un soutien précieux pour ce Tour de France femmes…
Bien sûr, il faut être armé. Quand tu fais une course de ce standing, ASO c'est une machine de guerre. Ils savent organiser comme personne. C'est un gage de qualité. Heureusement, j'ai des équipes autour de moi, ce n'est pas moi qui fais tout. Ce que j'apporte, c'est peut-être mon regard, mon œil, mes convictions. J'ai aussi mon caractère, ferme, et je le fais bien savoir s'il y a des choses qui ne me plaisent pas. Mais je leur fais confiance, et en termes d'organisation, je sais qu'on choisira toujours les meilleures options pour les coureuses.
Dans ce parcours assez atypique, quelles seront les étapes clés qui pourraient dessiner le classement général final ?
Déjà, la première étape parce qu'on part de Paris, alors que les hommes arrivent le même jour. C'était important pour nous de partir de la capitale pour la première étape et pour cette première édition, parce que c'est un peu symbolique, comme un passage de témoin. Mais en partant de Paris sur des étapes qui font, en moyenne, 130 kilomètres, on ne pouvait pas aller où on voulait non plus. Donc on a pris le parti d'aller vers l'Est parce que ça offre un terrain vaste et différent.
Concernant les étapes clés, je pense qu'il y a déjà Epernay dès le troisième jour, avec le même final qu'en 2019 où Julian Alaphilippe s'était imposé sur le Tour de France avec la côte de Montigny. Elle sera là aussi au programme.
Le lendemain, c'est l'étape de Bar-sur-Aube avec les chemins blancs. C'est une nouveauté dans le Tour de France. Chez les hommes, ça ne s'est jamais vu. Il y aura au total douze kilomètres de chemin blanc, comme un air de classique sur les routes du mois de juillet. Le facteur réussite-chance sera à prendre en compte, mais il faudra être costaud aussi parce que c'est comme ça les chemins (elle incline sa main vers le haut). Et il y a toujours cette alternance entre une bosse, un chemin, une nouvelle bosse. C'est vraiment casse-pattes.
Il y aura aussi les deux dernières étapes et ce final tant attendu en haut de la Super Planche des Belles Filles...
Le dernier week-end sera évidemment important. Le samedi, quand tu arrives au Markstein avec, avant, le Petit Ballon, le col du Platzerwasel et le Grand Ballon d'Alsace à escalader, tout ça en une étape ! Elle fait 3 000 mètres de dénivelé positif, donc c'est énorme. On peut s'attendre à 130 bornes incroyables et le dimanche, il y a la seule et unique arrivée au sommet, avec la Super Planche des Belles Filles. Même si elle n'est pas longue, il y a sept kilomètres avec des pourcentages parfois au-dessus de 20%. C'est un final en apothéose et on a voulu aussi essayer de garder le suspense le plus longtemps possible et d'y aller crescendo.
De nombreuses concurrentes du circuit ont misé gros et se sont préparées spécifiquement pour ce premier Tour de France femmes. Quels seront, selon vous, les noms à suivre ?
Plein de filles différentes ont remporté les manches de Coupe du monde cette année en World Tour. Le cyclisme italien va bien, mais c'est vrai que Annemiek van Vleuten (Movistar) reste, quand même, ma numéro un. Elle sait préparer des courses par étapes, elle passe sa vie en altitude et elle a un palmarès tellement impressionnant qu'elle va vouloir essayer d'avoir cette première victoire pour la première édition du Tour de France femmes.
5/12
— Le Tour de France Femmes avec Zwift (@LeTourFemmes) May 20, 2022
Annemiek van Vleuten.
Tellement de victoires à son actif depuis plus de 10 ans qu'il nous faudrait beaucoup plus que 280 caractères pour toutes les citer.
Découvrez son histoire #TDFF | @GoZwift pic.twitter.com/EdFueOM6nz
Mais à côté de ça, Elisa Longo Borghini (Trek-Segafredo) va être à surveiller, Marta Cavalli et Cecilie Uttrup Ludwig de la FDJ-Suez-Futuroscope également, Katarzyna Niewiadoma (Canyon-SRAM Racing) aussi. Et puis, même dans des styles différents, les sprinteuses ou des filles comme Marianne Vos (Jumbo-Visma) vont être là pour dynamiter tous les jours de course. Ça ne va pas être une bagarre entre deux filles tous les jours. C'est aussi notre but : montrer que le cyclisme féminin est vaste et qu'il y a du niveau.
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